​La voiture électrique sous haute tension

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Tribune de Vincent Clévenot - Directeur Général d'Automobile Club Association

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© Jean-Marc Loos

Impossible d'y échapper, la voiture électrique s'installe dans le paysage automobile français. Toute l'industrie automobile se lance, à marche forcée, dans cette course effrénée. Elle y est poussée par l'Europe qui, au titre de l'urgence climatique, a tranché pour la fin de la vente des voitures neuves, essence et diesel, dès 2035. Mais le fait d'imposer, de facto, la solution de l'électrique suscite, plus que jamais, questions et controverses. Après le Dieselgate, le véhicule électrique nous a été présenté comme étant la solution incontournable pour rouler de manière « propre » en « zéro émission ». C'est indiscutable, mais uniquement au regard des émissions de CO2 que dégage un véhicule électrique lorsqu'il roule. Le bilan écologique est bien moins glorieux si on prend également en considération les moyens nécessaires à sa fabrication. 

Les batteries sont construites quasi-exclusivement en Chine dont l'électricité provient, en grande partie, d'usines à charbon particulièrement polluantes. De plus, elles sont fabriquées à partir de métaux tels que le lithium, le cobalt, le cuivre, le nickel… dont l'extraction pose de nombreuses questions environnementales mais aussi en termes de conditions de travail.

Autre problème de taille : la mobilité électrique ne peut pas remplacer la mobilité thermique à usage équivalent. Je m'explique. Tout va bien lorsque le véhicule électrique est utilisé pour des petits trajets, urbains et périurbains. Dans ces conditions, il n'y a pas de problème d'autonomie de la batterie ni de recharge puisqu'elle se fait principalement à domicile. Par contre, les choses peuvent très vite se compliquer dès que l'on doit faire un long trajet. L'autonomie annoncée par le constructeur est souvent insuffisante et sur-évaluée selon les conditions d'utilisation du véhicule (mise en route du chauffage, des phares, des essuie-glaces, etc.). Sans compter qu'avec le temps, comme n'importe quel appareil fonctionnant avec une batterie, l'autonomie diminue.

Et que dire des bornes de recharge bien trop peu nombreuses (je ne parle même pas des recharges rapides). Si, par chance, on en trouve une, encore faut-il espérer qu'elle soit compatible avec son véhicule ou, tout simplement, qu'elle ne soit pas hors service ou occupée. Tout ça pour attendre deux bonnes heures avant de gagner, au mieux, une soixantaine de kilomètres d'autonomie.

Le problème ne va pas s'arranger de sitôt. Il est désormais acquis que la France n'atteindra pas l'objectif fixé d'un déploiement de 100 000 bornes électriques publiques à la fin de 2022. Et c'est bien là le nœud du problème qui restreint tout l'intérêt d'acquérir un véhicule électrique.

Mais ce n'est pas tout. Malgré les aides financières de l'État, dont on ne sait combien de temps elles dureront, le prix d'acquisition d'un véhicule électrique est très élevé. Autour de 30 000 € pour les plus petits modèles. La faute de la batterie et des technologies électriques qui font grimper les prix de l'ordre de 50 % de plus que pour un véhicule thermique. C'est une véritable rupture sociale qui rend la voiture électrique inaccessible pour la plupart des ménages à faibles et moyens revenus.

Enfin, pour rajouter un peu plus à tout ce flou, les constructeurs français regrettent cette évolution vers l'électrique qu'ils estiment bien trop rapide. Pour eux, il faut du temps et des moyens colossaux pour remodeler entièrement une industrie automobile. Sans compter que cela remet en cause leur modèle de compétitivité et de savoir-faire si chèrement acquis depuis des décennies.

Alors, que penser de tout ça ? La protection du climat est un devoir générationnel qui ne souffre d'aucune contestation. Mais les objectifs climatiques ne pourront être atteints sans la confiance des consommateurs qui attendent de la voiture électrique qu'elle soit vraiment écologique, accessible à tous, utilisable en toutes circonstances et sur de longs trajets. C'est encore loin d'être gagné.